Accès à l’eau potable : l’eau de la Camwater est-elle potable, de bonne qualité et aux normes ?
Blaise Moussa, le Directeur général (Dg) de la Camwater, a indiqué à Actualité Hebdo, une émission dominicale de la CRTV télé, que l’eau de la Camwater est potable, de bonne qualité et aux normes. Seulement, après avoir interrogé des experts sur la question, l’on ne peut ni attester, ni infirmer cette déclaration du Dg, repris par la page Crtv Web.
Le 30 janvier 2023, Crtv web écrit sur sa page Facebook : « L’eau de Camwater est potable, de bonne qualité et aux normes ». D’après cette page de la Cameroon Radio and Television, la chaine de télévision publique, ces propos sont de Blaise Moussa, le Directeur Général de la Cameroon Water Utilities (Camwater), l’entreprise productrice et distributrice de l’eau au Cameroun. Ils ont été tenus lors du programme « Actualité Hebdo », une émission, diffusée tous les dimanches sur cette chaine de télévision.
La publication a généré près de 3 000 commentaires et 60 partages le 28 mars 2023. La page quant à elle, était suivie à cette même date, par près de 850 000 internautes.
Vérification
Joint au téléphone, Emmanuel Atangana, le directeur de la communication de la Camwater confirme que cette allégation est bien celle du Directeur Général. « Ces propos sont authentiques, j’étais moi-même à Actualité Hebdo », confie-t-il.
Pour rassurer DataCameroon, Emmanuel Atangana envoie un extrait de cette émission, où l’on écoute à la 9e minute : « L’eau au sortir d’Akomnyada par exemple est comme vous l’avez appris au CM1. Incolore, inodore, sans saveur ; elle est bonne à boire. » Mais, « il se trouve que l’eau est transportée dans des canalisations (…) Les principales canalisations de la Camwater n’ont aucun problème, mais il peut aussi se produire des infiltrations. Il peut aussi se produire que si des canalisations n’ont pas reçu l’eau pendant une certaine période, elles peuvent rouiller et la rouille peut arriver au robinet », poursuit Blaise Moussa durant l’interview.
Dans un de ses articles intitulé «Cameroun : La qualité de l’eau distribuée à Yaoundé suscite des appréhensions » et publié le 2 février 2023, Scidev net, un site d’information d’opinions et d’analyses relatives à la science et à la technologie pour le développement mondial révèle des défaillances et des dysfonctionnements à la station de production et de traitement située à Akomnyada. « Le problème porte sur le dispositif d’ultrafiltration où de l’eau brute est traitée à l’aide de produits chimiques pour la rendre potable avant d’être distribuée aux ménages », lit-on dans l’article.
Marc Anselme Kamga, Manager environnemental et chercheur au Centre pour l’environnement et le développement (CED), témoigne dans cet article que « l’eau qui coule des robinets est très souvent chargée de nombreuses particules solides, colorée et souvent boueuse ». Sauf que, selon Martin Ntoh, foods safety and quality engineer, la couleur de l’eau ne suffit pas pour attester si une eau est potable ou pas. « La qualité de l’eau est définie selon ses différentes composantes, qui sont généralement le taux en minéraux, bicarbonate, le sodium, etc. », relève-t-il.
À en croire Martin Ntoh, une eau potable c’est : « Sa teneur en chlorure qui doit être inférieure à 250mg/litre, la teneur en potassium qui doit être inférieure à 12mg/L, son PH qui doit être compris entre 6.5 et 6.9… Une eau potable c’est aussi sa dureté, qui correspond à l’ensemble des ions qui se trouve dans l’eau. »
Une eau potable pas toujours claire
Comme lui, Alain Roger Fotso Dada, spécialiste du traitement des eaux a indiqué à une édition de Canal Matin, la matinale de Canal 2 International, une chaine de télévision à capitaux privés au Cameroun et repris par Water treatment expert and access for africa, que la clarté de l’eau ne fait pas d’elle une eau potable et vice versa. « Une eau potable est une eau dont la consommation n’entraine aucun risque de maladie, qu’elle soit rouge, bleue violette ou marron », souligne Alain Roger Fotso Dada entre 2 minutes 15 secondes et 2 minutes 56 secondes de l’extrait en ligne diffusé il y a 2 ans.
Ce point de vue est également partagé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui dans sa 4e édition des Directives de qualité pour l’eau de boisson publiée en 2017, indique qu’une eau de boisson saine est celle qui ne présente aucun risque notable pour la santé d’une personne qui la consommerait sur toute la durée de sa vie, compte tenu des variations de sensibilité éventuelles aux différents stades de la vie.
S’agissant de l’eau de la Camwater, Stéphane Lako, Master of Science (Msc). Gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) et secrétaire exécutif de Waterforlive Cameroon, une association qui regroupe des acteurs qui œuvrent dans le domaine de l’eau, dans les secteurs public et privé, affirme qu’elle est potable de bonne qualité et aux normes « au sortir des stations de traitement selon les lignes directrices de l’OMS et les normes en vigueur au Cameroun. Pour les informations à notre disposition, l’eau produite dans les stations Camwater respectent les normes de l’OMS pour l’eau de boisson à la sortie de ces stations », déclare-t-il. Cependant, « s’il y a un paramètre qui manque, ça veut dire qu’on n’est pas dans la norme », révèle Martin Ntoh.
Sur le rôle que pourrait jouer le transport, Stéphane Lako révèle la possibilité d’une contamination via des canalisations ou des récipients. « De même pendant le service pour la boisson, il peut y avoir des contaminations. Une eau peut être potable à la sortie du robinet mais parce qu’elle est servie dans un récipient souillé, l’eau qui va être bue ne sera plus potable selon les critères initiaux », confie-t-il.
Luc Claude Mamba, un responsable de l’Agence des normes et de la qualité (Anor) joint au téléphone, ne répond ni par l’affirmative, ni par l’infirmative sur le respect des normes de l’eau de la Camwater. « Donnez-nous ces documents qui attestent cela, nous allons les authentifier », déclare-t-il sans plus rien ajouter. Seulement, il est impossible pour DataCameroon d’entrer en possession de ces documents. Surtout que, le processus de potabilité de l’eau promis le 7 février 2023 par la cellule de la communication de la Camwater, n’a toujours pas été envoyé.
Quant à la qualité de l’eau, Martin Ntoh souligne qu’elle est définie selon ses différentes composantes, qui sont généralement le taux en minéraux, bicarbonate, le sodium, etc. « Aussi, la qualité de l’eau au Cameroun ne sera pas la même qu’en France, parce que l’environnement et les paramètres ne sont pas les mêmes ».
En conclusion, l’on ne peut ni attester, ni infirmer que l’eau de la Camwater est potable, de bonne qualité et aux normes.
Cette information est survenue au moment où le Cameroun organisait le colloque international sur la gestion des sociétés d’eaux, tenu les 26 et 27 janvier 2023 à Yaoundé. Ces travaux avaient pour objectif global, de contribuer à booster la performance financière des sociétés d’eau en Afrique.
Michèle EBONGUE
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