Une publication devenue virale sur les réseaux sociaux, Facebook notamment, révèle que cinq personnalités camerounaises dont des ministres et hommes d’affaires sont cités dans le rapport Gafi 2024. Elles sont, d’après le document, suspectées de blanchiment d’argent au Cameroun. Après vérification via des recherches sur le site de cette organisation, il n’y a aucune information à ce sujet. Par ailleurs, sa cellule de communication, tout comme le ministère des Finances dont le patron est cité, démentent les informations relayées dans ce document.
Le 11 avril 2025, le compte Facebook certifié de Paul Chouta, lanceur d’alerte camerounais basé en Allemagne depuis pratiquement 2 ans, publie une information selon laquelle, cinq personnalités camerounaises, dont des ministres et hommes d’affaires, sont cités dans le rapport Gafi 2024. « BREAKING NEWS : VOICI LES HOMMES D@NGEREUX QUI PILLENT SAUV@GEMENT LES CAISSES DE L’ETAT. C’est un véritable génocide financier qu’ils ont infligé au contribuable camerounais. Selon un rapport international du Groupe d’Action Financière (GAFI), un organisme français spécialité dans la lutte contre l’évasion des capitaux et le financement du terrorisme, cinq (5) hommes du pouvoir de Yaoundé et hommes d’affaires, sont impliqués dans les milliers de milliards de Blanchiment d’argent(…) Le rapport complet est volumineux. Ceux qui en ont besoin sont priés de nous contacter via WhatsApp sur l’un des numéros ci-dessous (Sic).»
Louis Paul Motaze, homme politique et ministre des Finances; Jean-Pierre Amougou Belinga homme d’affaires et propriétaire de plusieurs médias, soupçonné d’être impliqué dans le meurtre de Martinez Zogo; Ferdinand Ngoh Ngoh, Secrétaire général de la présidence ; Paul Kammegne, banquier Holding Afriland first Bank et Saya Amin Kokay, le nom inconnu de la liste, présenté comme un homme d’affaires et prête nom de Chantal Biya, épouse de Paul Biya, le président de la République sont les cinq personnes mentionnées dans la publication.
Joint par messagerie Whatsapp comme recommandé dans la publication pour besoin du rapport, Paul Chouta envoie à DataCheck, le rapport cité (généré le lien via le PDF envoyé). Les noms des personnalités sont effectivement contenus dans le document, précisément dans les pages 53 et 54. Toutefois, les autres questions liées à la provenance du document sont restées sans suite, jusqu’au jour de la publication de l’article.
Une recherche par mots clés sur le moteur Google sur le rapport 2024 du Gafi sur le blanchiment des capitaux, renvoie DataCheck vers des résultats de la plénière du 19 au 21 février 2025 et un dossier sur la lutte contre la fraude et le blanchiment d’argent du Conseil national des barreaux, entre autres. Aucun de ces articles ne contient les informations sur la liste impliquant les personnalités publiques camerounaises.
Rendu sur le site du Gafi, un clic sur la rubrique Publication, nous renvoie vers les rapports de l’organisation. Le dernier intitulé « lutte contre le financement des rançongiciels » date du 14 mars 2023.
Pour mieux affiner la recherche, DataCheck consulte la sous rubrique financement du terrorisme situé sous la partie « Sujet », sur l’espace réservé au filtre des résultats. Ici, un seul article est mis en avant. Il date du 4 juin 2019 et parle des lignes directives pour l’évaluation des risques liés au financement du terrorisme. La recherche par mots clés sur la barre de recherche indiquant les dernières publications ne renseignent en rien sur le rapport de vérification.
Toutefois, dans la nuit du 11 avril, date de la publication de l’information vérifiée, le ministère des Finances publie sur sa page Facebook, une mise au point qui porte la signature du ministre. « Une information devenue virale sur les réseaux sociaux depuis ce vendredi 11 avril 2025, fait état d’un rapport attribué du Groupe d’action financière (Gafi) dans lequel des personnalités camerounaises seraient inscrites sur une prétendue liste noire. Le ministre des Finances Louis Paul Motaze, invite l’opinion publique, les utilisateurs de réseaux sociaux à n’accorder aucun crédit aux allégations ainsi diffusées dans le document en circulation (…) Au demeurant, le ministre des Finances fait savoir que le rapport authentique est accessible au public dans le site du Gafi au www.fatf-gafi.org. », lit DataCheck.
Une capture d’écran de la mise au point de Louis Paul Motaze, ministre camerounais des Finances, sur la publication des noms cités dans le rapport Gafi.
Pour être fixé sur l’authenticité du document parvenu à DataCheck et la véracité des informations en circulation sur ces personnalités publiques, nous avons adressé un mail à Gafi, via sa cellule de communication, intégrant le rapport envoyé par le lanceur d’alerte. « Ce rapport n’est pas authentique. Les documents officiels du GAFI sont publiés sur notre site web, www.fatf-gafi.org. Les listes grise et noire officielles sont publiées ici à la fin de chaque réunion plénière du GAFI (en février, juin, et octobre), et ne correspondent qu’aux juridictions (et non aux individus). Vous trouverez un avertissement contre l’utilisation abusive du nom du GAFI ici: Avertissement», informe Stéfanie Mair, Strategic Communications & Media Relations Manager chez Gafi.
En conclusion, l’information selon laquelle cinq personnalités publiques camerounaises, dont des ministres et hommes d’affaires sont cités dans le rapport 2024 de Gafi sur le blanchiment d’argent n’est pas avérée. Une mise au point du ministère des Finances, le site de Gafi et sa cellule de communication contredisent ces informations devenues virales sur les réseaux sociaux et l’authenticité du rapport mis en relief.
Michèle EBONGUE
Partager la publication "Blanchiment d’argent : faux, aucune personnalité publique camerounaise n’est citée dans le rapport Gafi 2024"