Cancer du sein : la succion du partenaire ne protège pas

Dans le cadre d’Octobre rose, un mois consacré à la sensibilisation contre les cancers de la femme, une affiche a circulé sur la toile encourageant la gente féminine à se faire sucer les seins par son partenaire pour lutter contre le cancer du sein. Mais après vérification auprès des oncologues et gynécologues, cette assertion ne repose sur aucune preuve scientifique.

Chaque année, plusieurs actions sont menées tout au long du mois d’octobre, dans le but de sensibiliser le grand public et surtout les femmes sur le cancer du sein et ses méfaits, sans oublier l’importance du dépistage précoce. Certaines associations saisissent l’opportunité de ce mois pour la collecte de fonds destinés à la recherche. Cette campagne de sensibilisation au cancer du sein est baptisée : Octobre rose. L’année 2022 n’a pas dérogée à ce qui est devenue une tradition. Ainsi donc, des personnes à la notoriété établie et des moins connues ont été mises à contribution pour passer les messages de sensibilisation. Parmi les publications faites, un flyer qui a été abondamment partagé à travers les groupes Whatsap, sur Facebook et même sur Twitter. A l’instar du post d’une influenceuse congolaise avec plus de 1300 réactions en 3 jours sur Twitter. Tweet qui a été supprimé par la suite.

la sensibilisation contre les cancers de la femme, une affiche a circulé sur la toile encourageant

L’affiche devenue virale est issue de la campagne digitale menée par Lions club Cotonou Septuor depuis le début du mois dans le cadre d’Octobre rose. L’on a d’ailleurs retrouvé sur leur page Facebook des affiches d’autres personnalités avec des messages similaires.

Contacté à plusieurs reprises sur Messenger, le Lions club Cotonou Septuor ne s’est pas prononcé sur le sujet. Contactée par Whatsap, Osnia Gbankoto, journaliste béninoise et présidente adjointe de l’organisation Women in Global Health Benin, explique que ces affiches seraient issues d’un « scandale interne à l’organisation, d’une volonté d’innover par la blague du comité jeune du Lions club que les aînés auraient réprimandé. »

L’avis des experts

Le Pr Esther Meka, vice-recteur de l’Université de Yaoundé, cheffe du service d’oncologie gynécologique et pédiatrique de l’Hôpital Gynéco-obstétrique et pédiatrique de Yaoundé et présidente de la société camerounaise de sénologie et de pathologies mammaires est catégorique : « Cette assertion est fausse. Ne pas confondre avec l’allaitement maternel. L’allaitement maternel, réduit de manière significative le risque de cancer du sein. Et plus le nombre de mois d’allaitement augmente, plus le risque d’être atteint d’un cancer du sein diminue. » En effet, selon la ligue contre le cancer, l’allaitement favorise la réduction du risque de cancer même si le mécanisme de l’effet protecteur de l’allaitement n’est pas complètement connu. « Les effets bénéfiques peuvent s’expliquer par des modifications de la structure des seins et une exposition réduite aux hormones au cours de la vie chez la mère. »  Pr Esther Meka continue en précisant : « Par contre, dans le cadre des préliminaires, la palpation des seins par un tiers peut révéler une anomalie. »

Dr Anthony Mbarga, gynécologue obstétricien en service à l’Hôpital de district d’Efoulan renchérit en disant que le contenu de cette affiche est faux. « Les arguments sont simples. La succion qui entraine la maturité des seins est celle de l’enfant. Généralement, les seins d’une femme n’atteignent leur maturité qu’après l’allaitement. Ainsi, ce n’est pas la succion proprement dite mais l’allaitement qui protège. Le sein non mature qui est en cours de changement est plus â risque de développer le cancer du sein que le sein qui a déjà atteint sa maturité. » Il précise également que : « L’allaitement est un facteur protecteur mais qui n’épargne pas les femmes du cancer du sein. La seule arme que nous avons en notre possession pour le moment est le dépistage et la méthode la moins chère est l’autopalpation. »

Dr Etienne Atenguena, oncologue médical à l’hôpital général de Yaoundé, affirme également que cette assertion est fausse. « Beaucoup de personnes croient à beaucoup de choses fausses. Comment y trouver une explication raisonnable ? ».  Il recommande de s’informer à travers des sources fiables.

Ce que dit la littérature scientifique

 

 

Dans la littérature scientifique, en utilisant les moteurs de recherche tels que Google Scholar ou Pubmed, nous n’avons pas retrouvé d’article démontrant que la succion du partenaire est un facteur protecteur contre le cancer du sein. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, l’allaitement maternel diminue le risque pour les mères de développer le cancer du sein, mais pas que. Ça les met également à l’abri d’autres pathologies telles que le cancer des ovaires, le diabète de type 2 et une cardiopathie. On estime qu’une augmentation de l’allaitement maternel permettrait chaque année d’éviter 20 000 décès maternels dus au cancer du sein. La fondation contre le cancer va également dans ce sens en précisant que les femmes qui allaitent leur bébé pendant une période prolongée ont moins de risque que les femmes qui n’allaitent pas.

Aucune étude ne prouve que la succion des seins par le partenaire protège du cancer du sein. Par contre, l’allaitement maternel réduit considérablement le risque. Il est recommandé de faire un autoexamen mensuel des seins pour dépister précocement le cancer du sein ainsi qu’un examen clinique des seins par un professionnel de santé dont la fréquence varie en fonction de l’âge.

Hemes NKWA

Travail réalisé dans le cadre du programme DésinfoxAfrique