Ferdinand Koungou, membre de l’équipe de communication du RDPC, a indiqué durant  l’édition du 12 novembre 2024 de l’émission le Debrief de l’Actu sur la chaîne Canal 2 international que 80 % du tissu économique du Cameroun est dans le secteur informel. Après vérification auprès des fiscalistes, des économistes et des institutions spécialisées en matière d’emploi et d’économie, ce chiffre n’est pas correct. 

Ferdinand Koungou, communicant du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), le parti camerounais au pouvoir, était dans le panel de l’émission télévisée le Debrief de l’Actu le  12 novembre 2024 sur la chaîne  Canal 2 international. Pendant les échanges, il a affirmé que “80 % de notre tissu économique est dans l’informel et c’est dans l’informel que circule le plus grand flux financier”, a lancé l’homme politique avant d’ajouter que “C’est pour cette raison que l’Etat augmente les taxes comme la vignette automobile, l’autorisation de bâtir, le permis d’implanter, les taxes foncières  quand ces revenus commencent à se formaliser”. L’émission cumule déjà plus de 2 900 vues sur  la chaîne Youtube de Canal 2 international. Cette affirmation intervient à partir de 41 minutes 50 secondes. Elle est faite dans un contexte où l’assiette fiscale du Cameroun connaît régulièrement des réformes pour générer plus de revenus à l’Etat. Une publication de la Cameroon Radio Television (CRTV) faisait par exemple savoir que comparativement à celui de l’exercice budgétaire de 2023,  “le budget de l’État en 2024 est en hausse de 538 milliards de Fcfa. De 6740,1 milliards à 7278,1 milliards de F en 2024”, mentionnait l’article.

Vérification 

Datacheck a contacté Ferdinand Koungou par appel et via le réseau social WhatsApp. L’homme politique a réitéré cette déclaration en soulignant que “ Notre économie est essentiellement faite des gens qui sont installés à leur propre compte et qui ont des petites structures qui font la petite vente. Les petits métiers comme les transports ; ça occupe à 80% le tissu économique. Donc quand tu parles de la fiscalité, la fiscalité structurée et structurelle est à peine à 20%. On y retrouve notamment les Boissons du Cameroun, la Société nationale de raffinage (Sonara), certaines sociétés d’État et les fonctionnaires même de l’État.”, a-t-il affirmé en indiquant tenir l’information de l’Institut national de la statistique (INS).

Joint au téléphone, Dr Eric Lipop, juriste fiscaliste affirme que “Nous ne sommes pas loin de là parce que l’économie structurée ou formelle repose sur une catégorie qui n’est pas en nombre élevé. Les récents travaux de l’Institut national de la statistique ont révélé que l’économie camerounaise est à peu près à 85% basée sur le secteur informel.”, affirme le spécialiste. Donc quelque peu au-dessus du chiffre avancé par Ferdinand Koungou, Un avis partagé par l’économiste Dieudonné Essomba qui confie tenir cette information de la même source. ”Au Cameroun, on a deux types d’impôts. Il y a les impôts directs qui sont directement payés par le contribuable et les impôts indirects comme la TVA, la douane, les droits d’accise et autres; ce sont ces impôts indirects qui contribuent pour 85% dans le budget de l’Etat.

Les impôts payés directement par les contribuables sont autour de 13% à 14%; c’est un impôt dérisoire.”, développe l’économiste. Joint au téléphone, l’économiste Julien Grégoire Onguene “estime à 86% la part du secteur informel au Cameroun. C’est une  économie qui reste encore très artisanale. Nous n’avons pas encore de petites et moyennes industries  qui sortent du lot.” explique l’enseignant avant d’ajouter que “C’est même là le fondement de l’économie camerounaise. Mais il ne faut pas négliger les droits et taxes que cette économie informelle paye. Quand vous analysez même le nombre d’entreprises industrielles aujourd’hui, vous allez vous rendre compte qu’elles ne sont pas assez nombreuses.”, développe Julien Grégoire Onguene.

Nous avons par la suite effectué une recherche à travers le moteur de recherche Google pour corroborer la source de l’information donnée par les deux experts.

Selon le rapport final de  la première l’enquête sur l’emploi de l’INS publiée le 1er novembre 2023, “La part des emplois dans le secteur informel est de 86,6%. Ainsi, les emplois se répartissent entre le secteur informel non agricole (52,0%), l’informel agricole (34,7%), le public (8,2%) et le privé formel (5,1%).”, mentionne le document.

Notre recherche documentaire nous a également conduit sur le site web du Groupement des entreprises du Cameroun (GECAM). Le livre blanc de l’économie camerounaise produit en 2020 indique que “Le secteur informel au Cameroun occupe officiellement 90% de la population active du pays et qu’on y retrouve 89,1% des travailleurs.”, peut-on lire. Sur son compte Facebook, le Ministère des Petites et Moyennes Entreprises, de l’Économie Sociale et de l’Artisanat (MINPMEESA) fait remarquer que le secteur informel  “présente un potentiel de 3,4 millions d’acteurs dans divers secteurs”.

En définitive, la déclaration de Ferdinand Koungou, membre de l’équipe de communication du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), selon laquelle 80 % du tissu économique du Cameroun est dans le secteur informel, n’est pas exacte.  Après vérification auprès des fiscalistes, des économistes et des institutions spécialisées en matière d’emploi et d’économie, il apparaît que la part du secteur informel dans le tissu économique du Cameroun est de 86%.

Romulus Dorval KUESSIE (Stagiaire)