Plusieurs ministres et certains mouvements proches du parti au pouvoir multiplient des sorties dans lesquelles ils qualifient la marche du 22 septembre 2020 lancée par le MRC d’insurrectionnelle. Après questionnement des experts, lecture du code pénal et analyse de la communication du leader du MRC, il s’agit plutôt d’une « marche pacifique ».
L’affaire est au centre de toutes les conversations depuis l’entame du mois de septembre. La fausse nouvelle selon laquelle Maurice Kamto, le président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) organise une marche insurrectionnelle le 22 septembre 2020 au Cameroun, se répand comme une traine de poudre. Certains médias traditionnels propagent cette nouvelle, amplifiée dans les réseaux sociaux. La sortie des ministres de la Communication et celui de l’Administration territoriale, couplée à celles des gouverneurs des régions du centre, du littoral et de l’ouest, vise à amplifier cette version.
Dans un tweet du 15 septembre, le compte officiel de la Crtv, le média public avec plus de 126 milles abonnés indique pour le gouvernement du Cameroun et son porte-parole, « aucune manifestation ne saurait être considérée comme pacifique lorsque le but déclaré est le lancement d’un mouvement insurrectionnel et le renversement d’institutions républicaines démocratiquement élues », s’inspirant ainsi du communiqué signé du ministre de la Communication.
Après questionnement des experts, lecture du code pénal et analyse de la communication du leader du MRC, il s’agit de l’expression de certaines libertés garanties par le préambule de la constitution du Cameroun.
Le code pénal du Cameroun qualifie et puni les faits d’insurrection. En son Article 116 (nouveau). « Est puni d’un emprisonnement de dix à vingt ans celui qui dans un mouvement insurrectionnel : a) Provoque ou facilite le rassemblement des insurgés par quelque moyen que ce soit ; b) Empêche par quelque moyen que ce soit la convocation, la réunion ou l’exercice de la force publique ou s’en empare ; c) Envahit ou détruit des édifices publics ou privés ; d) Détient ou s’empare d’armes, de munitions ou d’explosifs ; e) Porte un uniforme, un costume, ou autres insignes officiels, civils ou militaires ».
Pour Esther Laure NGUIDJOL NTAMACK, Juriste « Une insurrection consiste à nuire à la sécurité d’un pays en orchestrant soit un coup d’État, autrement dit prendre le pouvoir par la force. Il s’agit aussi de manifestations qui peuvent conduire à la déstabilisation du pays. En clair c’est une révolte contre le pouvoir en place.»
L’opposant camerounais Maurice Kamto veut prendre le pouvoir en place, dans sa communication il précise que c’est de manière pacifique. Ici quelques morceaux choisis « Camerounaises, Camerounais, Notre combat face à la dictature du régime en place s’achemine vers sa phase critique. Sachez que, malgré le caractère essentiellement pacifique de notre lutte pour la liberté et le développement de notre pays, le régime va, une fois de plus, recourir à la terreur et à la barbarie judiciaire. » et «Le devoir patriotique nous appelle. Nul ne devra manquer à cet appel. Nous devons faire preuve de détermination et de courage, tout comme nous devons faire preuve de discipline, de responsabilité et de solidarité dans cette dernière phase du combat pour la démocratie, le respect de la dignité humaine et le progrès partagé.»
Face à la montée et la propagation de la nouvelle selon laquelle il envisage un mouvement insurrectionnel dans le pays, le président du MRC a fait une sortie le 15 septembre 2020 pour repréciser les contours de la marche du 22 septembre. Dans le document intitulé «le code du marcheur pacifique, patriote et républicain », Maurice Kamto précise que «Les marches appelant au départ de M. Paul Biya ne sont pas des actes d’insurrection, de rébellion, de révolution ou d’hostilité contre la patrie, encore moins des actes terroristes, mais l’expression pacifique de l’exaspération face à un pouvoir qui n’entend ni les supplications, ni les pleurs des populations qui souffrent atrocement dans un pays qui se fissure.»
Ce n’est pas la première fois que l’opposant camerounais est accusé d’insurrection. Quand on tape le mot clé « insurrection-Cameroun-Maurice Kamto » on peut lire des articles datant du 13 février 2019 dans lequel Il a d’ailleurs été inculpé avec 28 de ses partisans pour des motifs de « rébellion, d’insurrection » et d’« hostilité contre la patrie ». Ils avaient été arrêtés alors qu’ils marchaient dans le cadre de ce qu’il appelle le hold-up électoral.
Atteinte aux libertés publiques
Cette situation qui est nourrit par la manipulation de l’information, a pour conséquences, l’atteinte aux libertés publiques au Cameroun. Les sorties des gouverneurs du Centre, du Littoral et de l’Ouest suspendant jusqu’à nouvel avis « toutes les manifestations publiques ». Le Ministre de la Communication quant à lui, a publié une note de menace à peine voilée aux médias, notamment ceux ne disposant pas d’une licence d’exploitation.
Plusieurs militants notamment du MRC sont d’ores et déjà sur surveillance, tandis que le Cameroon people Party (CPP) a vu ses militants enlevés à Douala le 18 septembre 2020 au sorti d’une de leur réunion.
Travaux réalisés par Marc Ghislain Ngbwa, Romuald Landry Nguekam dans le cadre du projet #AFFCameroun soutenu par @Defyhatenow
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