Invité à France 24, Jemal Taleb, membre du Collectif des avocats d’Issa Tchiroma Bakary a déclaré que 64% des Camerounais ont été massacrés durant la crise post-électorale au Cameroun. Au cours du même programme télévisé, il a ajouté qu’environ 64 Camerounais ont été tués dans cette situation. Même si les ministères de la Communication et de l’Administration Territoriale n’ont pas encore dévoilé le nombre des pertes en vies humaines enregistré jusqu’ici, la Commission nationale des Droits de l’Homme du Cameroun, elle, fait état d’un bilan provisoire de 14 morts et 125 blessés côté assaillants et forces de défense et de sécurité.
Jemal Taleb, avocat au barreau de Paris est membre du Collectif des avocats d’Issa Tchiroma Bakary. Le but du collectif est de défendre les intérêts du président national du Front pour le Salut National du Cameroun (FNSC) qui réclame la victoire à l’élection présidentielle du 12 octobre 2025 au Cameroun, pourtant classé 2e selon le Conseil Constitutionnel, la juridiction en charge de réguler le fonctionnement des pouvoirs publics.
Invité sur France 24 le 28 octobre 2025 à « Le rendez-vous de l’Afrique », un programme quotidien diffusé à 15h30, Jemal Taleb a déclaré entre 4 minutes 45 et 5 minutes13 : « … Et on se réjouis sur un fond de guerre ethnique absolument malsain, d’une situation à laquelle 64% des camerounais ont été massacrés. Ils ont été massacrés à Douala, à Bafang, à Ngong, à Bertoua, à Maroua, un peu partout. Nous sommes à peu près selon les chiffres qui me remontent, à environ 64 camerounais qui ont déjà été tués dans cette situation ».
Sur le thème « Cameroun : l’union européenne déplore « une répression violente » lors des manifestations au lendemain de la victoire de Paul Biya dénoncée par l’opposition », cette édition du « Le rendez-vous de l’Afrique » met l’accent sur la crise post-électorale éclatée après la lecture des résultats de la présidentielle. Les manifestants qui crient à la fraude électorale, revendiquent la victoire d’Issa Tchiroma Bakary, dite volée par Paul Biya, élu pour un autre septennat, soit son 8e mandat et au pouvoir depuis 1982, c’est-à-dire 43ans.
Publiée sur le site de France 24, cette édition du « le Rendez-vous de l’Afrique » a fait environ 275 000 vues au 5 novembre 2025.
Vérification
Contacté sur ses propos tenus sur cette chaîne de télévision d’information internationale, Jemal Taleb répond : je vous « suggère de bien réécouter ce que j’ai dit. » Pour être sûr de la véracité des données du membre du collectif des avocats d’Issa Tchiroma Bakary sur le nombre de décès enregistré depuis les manifestations post-électorales, DataCheck décide de se référer à Google. Une recherche par mots clés a permis de trouver des articles de sites d’informations(1, 2 et 3) et des communiqués de presse d’Organisations internationales (1et 2). Seulement, aucun de ces textes qui relatent les faits de la situation au Cameroun ne dresse un bilan chiffré des morts. Toujours dans sa quête de données publiques par les organisations internationales, DataCheck saisis sur la barre de recherche Google, Human Rights Watch Cameroun. Sur le site, figure un communiqué de presse daté du 28 octobre 2025 et intitulé « Cameroun : Paul Biya déclaré vainqueur dans un contexte de violences postélectorales ». Ici aussi, aucun chiffre n’est évoqué.
Pour pousser la vérification, la rédaction se tourne vers le ministère de la Communication, qui dit ne pas avoir l’information recherchée, et propose de se référer au ministère de l’Administration Territoriale (Minat). Ici aussi, aucun chiffre n’est avancé. « Je n’ai pas encore les chiffres…Sinon le ministre aurait donné cela dans sa récente communication », nous renseigne-t-on à la cellule de communication du Minat.
En effet, le mardi 28 octobre 2025, Paul Atanga Nji, ministre de l’Administration Territoriale a donné un point de presse sur la crise sécuritaire post-électorale au Cameroun. Evénement durant lequel il a condamné ouvertement, mais aussi officiellement les actes de violence et de destruction survenus après la proclamation des résultats de l’élection présidentielle. Avec comme autres évocations, les dégâts matériels et cas de décès liés aux violences sus citées. Et comme l’a indiqué sa cellule de communication, le bilan des morts n’y est pas.
Philippe Amanye Botiba est le Chef de l’antenne régionale de la Commission Nationale de Droits de l’Homme du Cameroun (CDHC) pour le Littoral. Il explique, « Dans la région du Littoral, il n’y a que 4 morts. La même information est confirmée par le chef d’Etat Major ; par le Gouverneur lui-même ».
Pour ce qui est du bilan national, Philippe Amanye Botibo envoie à DataCheck un communiqué du Président du CDHC . Daté du lundi 3 novembre 2025, ce document relatif aux violences post-électorales survenues à la suite d’appels à manifestation dresse le bilan national de la situation, quoique ne figurant pas sur leur site web. « A l’échelle nationale, le bilan provisoire suivant le décompte de la Commission fait état de 14 morts et 125 blessés des deux côtés, dont 81 parmi les assaillants et 44 parmi les forces de défense et de sécurité ; 6 personnes se trouvant dans un état critique », apprend DataCheck à la lecture de ce communiqué de presse.
Définitivement, la déclaration selon laquelle environ 64 Camerounais ont été tués durant la crise post-électorale au Cameroun est infondée. Même si les ministères de la Communication et de l’Administration Territoriale n’ont pas encore dévoilé le nombre de pertes en vies humaines enregistré, la Commission nationale des Droits de l’Homme du Cameroun, elle, évoque 14 morts et 125 blessés côté assaillants et forces de défense et de sécurité.
Quant à la déclaration sur les 64% des camerounais massacrés toujours lors ce ces événements, elle est abusive. Selon les dernières données du recensement et les projections de Trading Economics, la population totale au Cameroun était estimée à 29,2 millions de personnes en 2024. Une simple règle de trois permet donc d’estimer à plus de 18 millions les Camerounais massacrés durant ces violences si l’on se base sur le pourcentage donné par Me Jemal Taleb.
Michèle EBONGUE
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