Pour plus d’informations, DataCheck s’est rendu à l’Institut national de la statistique (INS) du Cameroun. Sa cellule de communication a recommandé à la rédaction de visiter son site web. Un tour sur la plateforme, DataCheck découvre les comptes nationaux du premier , troisième et du quatrième trimestre de l’année 2024.

D’après l’INS, le solde de la balance commerciale s’est situé à 2,9 % du PIB au premier trimestre de 2024, contre 3% au quatrième trimestre de la même année. Les échanges extérieurs en volume ont quant à eux, été marqués par une hausse des exportations et importations. Quoique « l’accroissement des exportations n’est pas suffisant pour redresser le solde de la balance commerciale qui demeure déficitaire », lit DataCheck. Également, les derniers comptes nationaux de 2024 révèlent que les importations globales de biens et services ont reculé de 12,4 % ce trimestre par rapport au précédent. Une situation qui est due à la baisse des produits des industries de fabrication des machines, des produits manufacturés et à une diminution significative des importations de produits agricoles autres que les céréales. Comparativement à la même période en 2023, les importations globales de ce trimestre ont évolué à la hausse de 1,8 %.

C’est quoi la balance commerciale ?

Selon Ange Ngandjo, banquier-consultant, la balance commerciale « est la différence entre la somme en numéraire des biens et services qu’un pays exporte et la somme en numéraire de ceux qu’il importe ». Pour ce qui est du Cameroun, le banquier-consultant explique que « c’est la différence entre la somme en francs Cfa des biens et services qu’il exporte et la somme en francs Cfa de ceux qu’il importe. Cette balance commerciale se calcule en soustrayant la valeur totale des importations de la valeur totale des exportations. Lorsque son solde est positif, il indique un excédent commercial, tandis qu’un solde négatif indique un déficit commercial ». A cette même définition, Salomon Malang II, juriste fiscaliste développe : « la balance commerciale est la différence entre la valeur des exportations et des importations de biens et/ou de services dans un pays donné.  En d’autres termes, c’est un élément de comptabilité nationale qui permet de répertorier des exportations et des importations de biens et de services ».

Sur comment la calculer, Yannick Nkembe, statisticien confie que « cela se mesure en additionnant la valeur monétaire : Balance = Exportations – Importations. »  Elle est également selon Ange Ngandjo, calculée sur une base mensuelle, trimestrielle et annuelle. D’ailleurs, en fonction de chaque pays, fait remarquer le banquier-consultant, cette balance s’effectue sur des compétences, des ressources matérielles et humaines de l’Ins, chargé du calcul. Au Cameroun, la balance commerciale « est mesurée sur la base trimestrielle et annuelle, respectivement par les comptes nationaux trimestriels et les comptes nationaux annuels rendus publics par l’Institut national de la statistique du Cameroun. Cependant, les banques centrales tiennent également des registres du commerce extérieur. Ainsi, le rapport annuel de la Beac est une source d’information sur l’état de la balance commerciale du Cameroun et des autres pays de la Cemac », relève Ange Ngandjo.

Cependant, déplore Bernard Ouandi, consultant financier, l’INS a encore de faibles capacités surtout en matériel et finances pour collecter les données sur le terrain.  Néanmoins, poursuit-il, « avec ses moyens de bord, la fréquence est devenue trimestrielle. Après l’avènement des ordinateurs et surtout de la transparence dans la gestion des flux mondiaux, on a désormais des sources internationales qui sont fiables et la fréquence est en continu ; c’est comme l’historique du compte bancaire. Autrefois la banque fournissait un relevé par mois ; de nos jours l’historique est en continu. »

A la question de savoir si le solde de la balance commerciale du Cameroun a été déficitaire de 4 000 milliards F Cfa en 2024, Yannick Nkembe répond : « Non, cette information ne correspond pas aux données officielles. Selon l’INS, la balance commerciale était déficitaire de 1 969 milliards F Cfa en 2024. L’INS n’a pas fait la consolidation des données de 2024. ».  Pour obtenir ce chiffre, « je l’ai calculé, parce qu’ils (INS) publient trimestriellement les notes de conjoncture. Dans la dernière note de conjoncture qu’ils ont publiée, si vous additionnez les importations et les exportations, c’est le solde qui tombe. Maintenant quand ils publieront le rapport du commerce extérieur 2024, peut-être le chiffre sera légèrement différent, mais ça vient de chez eux », indique Yannick Nkembe.

 Trading Economics

Sur la véracité de la déclaration de vérification, Ange Ngandjo répond lui aussi par la négative : « Non, ce n’est pas vrai !», en ajoutant : « En attendant que les comptes nationaux de 2024 du Cameroun soient publiés par l’INS, la balance de paiement de l’an 2024 rendue publique par la Beac renseigne que le déficit de la balance commerciale du Cameroun était de 569 milliards F Cfa en 2024. Une diminution d’environ 32,6 % par rapport à celle de 2023 qui était de 844 milliards F Cfa. Cependant, il faut noter qu’il y a généralement un écart entre les chiffres publiés par la Beac et ceux publiés par l’INS. A titre d’exemple, le déficit commercial de 2023 du Cameroun, déclaré par l’INS dans sa note d’avril 2024 sur le commerce extérieur du Cameroun, se situait à 2 004 milliards F Cfa au lieu des 844 milliards F Cfa déclaré par la Beac. Une réalité qui peut créer des incompréhensions et des confusions. » Bernard Ouandi, sur la même question lâche : « Ce chiffre est hallucinant. En 2024, le déficit de la balance commerciale peut s’établir à 2 000 milliards F Cfa. Il est clair que l’INS n’a pas encore rendu publics les chiffres de 2024. Mais les chiffres ne peuvent pas doubler ainsi du jour au lendemain ».

Pour mieux étayer ses dires, Bernard Ouandi a envoyé deux tableaux à DataCheck dont il dit venir de Trading Economics, une plateforme qui fournit à ses utilisateurs des informations précises sur 196 pays, incluant des données historiques et des prévisions pour plus de 20 millions d’indicateurs économiques, taux de change, indices boursiers, rendements des obligations d’État et prix des matières premières. En effet, les deux tableaux sont ceux des importations du Cameroun en 2023 par pays d’origine.  À la différence que le premier contient des informations sur le total des importations qui a été de 4 880 400 F Cfa et celui des exportations qui s’est chiffré à 2 922 360 F Cfa en 2023. Tandis que le second tableau met avant la balance commerciale du pays, déficitaire cette année-là, de 1 958 040 F Cfa.   

Toutefois, Trading Economics fait noter que le Cameroun a enregistré un déficit commercial de 123,25 milliards F Cfa en décembre 2023. Informant que « la balance commerciale s’est établie en moyenne à -132,37 milliards F Cfa de 2001 à 2023, atteignant un sommet historique de 304,50 milliards F Cfa en décembre 2006 et un creux record de -1186,80 milliards F Cfa en décembre 2014 ». En consultant les rapports de l’INS sur le commerce extérieur du Cameroun entre 2020 et 2023, DataCheck découvre que le solde de la balance commerciale du Cameroun est déficitaire. Bien qu’étant passé de 1 409 milliards F Cfa en 2020, à 2004 milliards de F Cfa en 2023.

Selon Salomon Malang II, «la cause principale de ce déficit s’explique par une forte augmentation des importations contre une faible baisse du volume des exportations ». Bernard Ouandi va plus loin et affirme que « le Cameroun présente l’autopsie d’une société de consommation engluée dans la fainéantise à la grande joie des consommateurs  et de la bourgeoisie importatrice complice des fonctionnaires qui délivrent les licences d’importation. Tout comme les Etats-Unis d’Amérique où le déficit de la balance commerciale est devenu chronique ; pour cette raison Donald Trump a pris des mesures fortes : ce que le grand public ne sait pas, c’est que la hausse du tarif douanier équivaut à une dévaluation du dollar ».

En conclusion, l’information selon laquelle la balance commerciale du Cameroun est déficitaire de 400 milliards de F Cfa en 2024 est fausse. La Banque des Etats de l’Afrique centrale, l’Institut national de la statistique, des experts en fiscalité, en banque et en finance démentent cette affirmation, même si toutes n’ont pas les mêmes données.

Lorine Claudia AGNANG

Cet article a été produit dans le cadre du projet Partenariat pour l’intégrité de l’information, porté par DataCameroon, avec l’appui technique de DataCheck.