Pierre Emmanuel Binyam, secrétaire général adjoint du MRC a déclaré sur Canal 2 international que la démission de Tchiroma Bakary est la 5e démission d’un ministre du gouvernement de Paul Biya depuis 1982. Après vérification auprès des journalistes politiques ayant couvert cette actualité, des articles rédigés sur le sujet, consultation des archives de deux quotidiens et un politologue, l’ex ministre de l’Emploi et de la formation professionnelle est le 4e ministre démissionnaire depuis l’arrivée de Paul Biya au pouvoir. Bello Bouba Maigari est celui qui occupe le 5e rang.
Pierre Emmanuel Binyam, Secrétaire Général adjoint du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) était l’invité de l’émission Canal Presse, produit par Canal 2 international, une chaîne de télévision privée camerounaise. Après 1h10 d’émission le 29 juin 2025, Pierre Emmanuel Binyam déclare : « La démission de Issa Tchiroma Bakary est la 5e démission d’un ministre du gouvernement de Paul Biya depuis 1982 ».
La déclaration intervient au moment où l’ex ministre de l’Emploi et de la formation professionnelle(Minefop), par ailleurs président du Front pour le Salut National du Cameroun (FSNC) a déposé le 24 juin 2025, sa démission et annoncé sa candidature à l’élection présidentielle d’octobre 2025. Dans la foulée, le corps électoral a été convoqué le 11 juillet 2025 et Issa Tchiroma Bakary fait partie des 83 à avoir déposé leur dossier de candidature à Elections Cameroon (Elecam), des 13 retenus par le conseil électoral après examen des candidatures et des 12 définitivement acceptés.
Cette vidéo de l’émission Canal Presse a comptabilisé au 4 août 2025, près de 30 0000 vues sur la chaîne Youtube de Canal 2 international. Canal Presse est un rendez-vous hebdomadaire diffusé le dimanche dès 11h30 sur Canal 2 International. Durant le programme, le présentateur et ses invités reviennent sur les faits saillants de l’actualité de la semaine.
Vérification
Joint au téléphone (via Whatsapp), Pierre Emmanuel Binyam, lance : « Je ne suis pas le détenteur de ce chiffre. Vous êtes journaliste, investiguez pour avoir le chiffre exact des ministres démissionnaires des gouvernements de Paul Biya ».
La recherche par mots clés sur Google nous conduit vers un article de cameroun24.net, un agrégateur de contenus. Cet article qui est signé de Georges Alain Boyomo, actuel Directeur de publication du quotidien Mutations et publié le mardi 31 janvier 2012, relève qu’«en effet, depuis 1982, en dépit de récriminations proférées par certains ministres sous cape contre le système en place et la tendance manifeste du chef de l’Etat de nommer et de dénommer les membres du gouvernement à une fréquence et en fonction de critères dont lui seul maîtrise le secret, seulement trois ministres ont déjà pris leur courage à deux mains, puisqu’il faut l’écrire ainsi, pour se retirer du gouvernement».
Pour plus de détails, DataCheck a contacté Georges Alain Boyomo. Le Directeur de publication nous a donné accès aux archives physiques de quelques journaux parus qui parlaient de ces démissions. A l’instar de Mutations et Le jour, tous deux des journaux à capitaux privés. Ces documents dont DataCheck a scanné les Unes évoquent les démissions de Titus Edzoa , Maurice Kamto et Garga Hadji .
Valentin Siméon Zinga est lui aussi, l’un des journalistes ayant écrit sur les démissions des membres du gouvernement. Dans un de ses articles publié le 4 juillet 2025 sur RFI et intitulé: « Cameroun: ces ministres qui ont osé défier le président Biya», le journaliste recense 4 démissions et une volonté de démissionner.
D’après cet article, Garga Haman, ex ministre de la Fonction publique et du Contrôle de l’État de novembre 1990 à août 1992 est celui qui a inauguré cette vague de démissions des membres du gouvernement. Puis a suivi celle de Titus Edzoa en 1997, Maurice Kamto en 2011 et Récemment celle de Issa Tchiroma Bakary en juin 2025. Dans le même article, Valentin Siméon Zinga évoque le cas de Bello Bouba Maïgari, en indiquant : « ministre d’État chargé du Tourisme et des Loisirs, président national de l’Union nationale pour la démocratie et du progrès (UNDP, allié du RDPC), et déjà candidat déclaré au scrutin à venir, ne fait plus mystère de sa volonté de remettre sa démission au président Biya (Sic). »
Toutes les démarches de DataCheck aux archives du premier ministère en vue d’obtenir des informations sur les lettres de démission de ces hauts fonctionnaires d’Etat ont été vaines. Cyril Essissima, chef du service politique au quotidien Mutations fait remarquer que dans les années 90, Samuel Nana Sinkam, économiste et haut fonctionnaire camerounais avait été nommé ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances en 1994. « S’agissant du cas Samuel Nana Sinkam, on ne peut pas parler de démission. Il a juste décliné le poste. Il me revient qu’il avait refusé le poste de ministre délégué au Plan. Il n’a jamais pris fonction, et donc il n’a jamais été membre du gouvernement », précise-t-il.
Pr Nicolas Junior Yebega Ndjana, politologue va dans le même sens que le journaliste. « Il n’a jamais pris fonction. Il s’agit d’un refus de la nomination qui peut être exprès ou tacite. Dans le cas de monsieur Sinkam, il a été tacite, puisqu’il ne s’est pas prononcé. On a simplement constaté qu’il n’a pas pris service », explique-t-il, avant d’ajouter : « Il faut distinguer la démission du gouvernement du refus de la nomination. Dans la démission, on prend service, et suite à une raison ou une autre, on démissionne. Or dans le refus de la nomination, on ne se présente pas simplement et on ne prend pas service. On peut le faire par un acte public, ou simplement par le silence et l’absence. Il faut dire que le refus de la nomination n’est pas une infraction. Nul ne peut être contraint d’accepter une nomination, surtout le cas de M. Sinkam qui à cette époque, était le représentant de la FAO au sein de l’OUA. »
Au sujet du nombre de démission enregistrées depuis 1982, Pr Nicolas Junior Yebega Ndjana répond par une liste contenant les dates de renoncement. Dans ce lot, le 5e est celui de Bello Bouba Maïgari, dont un communiqué signé de Séraphin Magloire Fouda, Secrétaire général des services du Premier ministre, révèle que Gabriel Mbairobe, actuel ministre de l’Agriculture et du développement rural (Minader) assure l’intérim du ministère dont il avait la charge, soit celui du Tourisme et des loisirs (Mintoul). Le document date du 06 août 2025.
En conclusion, la déclaration selon laquelle la démission de Issa Tchiroma Bakary est la 5e d’un ministre du gouvernement de Paul Biya depuis 1982 n’est pas exacte. Après vérification, il ressort que Issa Tchiroma Bakary est le 4e membre du gouvernement ayant démissionné depuis 1982 au Cameroun. Le 5e est Bello Bouba Maïgari, ex ministre d’Etat, ministre du Tourisme et des Loisirs dont la nouvelle sur la prise de fonction de son intérimaire est tombée en août 2025.
Carmen Olivia Bilé
Cet article a été produit dans le cadre du projet Partenariat pour l’intégrité de l’information, porté par DataCameroon, avec l’appui technique de DataCheck.
Partager la publication "Gouvernement : faux, Issa Tchiroma Bakary n’est pas le 5e ministre à démissionner depuis 1982"