Les champ d’oignons n’existe pas dans la région de l’Extrême-Nord
Une publication devenue virale sur les réseaux sociaux et notamment Facebook montre un champ d’oignons. L’auteur du post laisse entendre que l’image présentée est une illustration de la richesse de la région de l’Extrême-Nord du Cameroun. Mais après vérification auprès des responsables de la délégation régionale du ministère de l’Agriculture et du Développement rural, il ne s’agit pas d’un champ d’oignons dans l’Extrême-Nord.
Le 10 mai 2023, Issa Marwan officiel a publié sur sa page Facebook une photo accompagnée du message : « Extrême-Nord Cameroun, la richesse du pays et la beauté du sahel ». Sur la photo, des personnes en pleine récolte d’oignons sont visibles
.Le même jour, Nord du Kamer Info, une page qui se décrit comme un journal et suivie par plus de 8100 followers, a relayé cette publication accompagnée du même message.
Vérification
Dans le but d’avoir des informations précises sur la source de cette image et la localité où elle a été prise, DataCameroon a contacté l’administrateur de la page Issa Marwam Officiel à travers Messenger. « C’est dans le département du Mayo-Tsanaga, mais ce n’est pas moi qui ai pris cette photo », répond l’administrateur qui n’en dit pas plus
. DataCameroon a contacté Abdelkarim Ahmadou, ingénieur agronome à Garoua. A la vue de la photo, il indique qu’il s’agit de la technique d’irrigation goûte à goûte. « C’est une technique moderne d’irrigation des cultures. La majorité des gens ne la pratique pas, certaines ONG oui. Mais c’est très coûteux », explique-t-il.Producteur d’oignons dans la localité de Koza, dans le département du Mayo-Tsanaga, région de l’Extrême-Nord, Sakava affirme que cette pratique n’est pas connue ou pratiquée dans cette partie du pays. « On ne connait pas la technique goûte à goûte dans nos champs d’oignons. Ici à Koza, on fait des casiers en damier
. L’eau passe par les petits signons qui séparent les casiers et à chaque fois, on ferme avec de la terre lorsque l’eau remplie le secteur et on l’oriente ailleurs. », explique-t-il.Technique goûte à goûte
Damaris Demagaï, technicienne principale d’agriculture à la délégation départementale de l’Agriculture du Mayo-Tsanaga ne reconnaît pas non plus l’irrigation goûte à goûte comme une technique utilisée dans la région. Joint au téléphone, la spécialiste explique que, certes le Mayo-Tsanaga est l’un des grands bassins de production d’oignons dans la région de l’Extrême-Nord, mais cette technique n’est pas utilisée dans la zone. « Nous avons regardé la photo avec les collègues, cette technique utilisée dans l’image nous fait dire que ce champ n’est pas chez nous, parce que ce type d’irrigation n’est pas pratiquée dans le Mayo-Tsanaga », renseigne-t-elle.
« Ici, on applique la technique d’irrigation qui consiste à lâcher l’eau dans les casiers. Cette technique gaspille beaucoup d’eau. Par contre, la technique de goûte à goûte permet de gérer et de minimiser le gaspillage d’eau. On libère juste la quantité nécessaire pour la plante. C’est une technique qui s’applique à d’autres spéculations aussi
. Là où l’eau est un facteur limitant, on peut faire recours à cette pratique pour exploiter le minimum disponible », explique Damaris Demagaï.Joint au téléphone, Sadou Simplice, délégué régional de l’Agriculture et du Développement rural de l’Extrême-Nord, indique que la technique d’irrigation goûte à goûte est dans sa phase expérimentale. « La région de l’Extrême-Nord est le plus grand bassin de production d’oignon au Cameroun. Les bassins de productions sont dans les départements du Mayo-Tsanaga, Mayo-Sava et dans le Diamaré également. Une année, nous avons essayé une phase expérimentale du goûte à goûte. Dans nos grands bassins de production, c’est la technique par casier qu’on utilise », informe-t-il.
Outils
Pour retrouver l’origine de cette photo, nous avons procédé à une recherche d’images inversées avec SmallSeoTools. Le résultat obtenu montre une photo identique à celle vérifiée qui a été publiée le 14 novembre 2022 sur la page Facebook ghanéenne Erura Market and Business Hub. Cette page dédiée aux produits et services a été créée le 28 juin 2020. La page Facebook tanzanienne AgriMagAfrica a publié la même photo le 9 novembre 2022 en indiquant qu’il s’agit de la « récolte d’oignon en Tanzanie ».
En utilisant Google Lens via la fenêtre « voir la source de l’image », l’on découvre que 157 comptes ou pages sur les réseaux sociaux, notamment avec 40 occurrences sur Twitter, 95 occurrences sur Facebook et 22 occurrences sur LindkIn, ont exploité la photo vérifiée dans au moins une publication . Ces comptes ou pages proviennent de plusieurs pays à travers le monde : Cameroun, Sénégal, Nigéria, Ghana, Burundi, Soudan, Egypte, Côte d’Ivoire, Mali, Bénin, Ukraine et Tanzanie.
De tous les résultats obtenus, la page Facebook soudanaise libellée en arabe : التقنيات الحديثة للزراعة والثروة الحيوانية والسمكية بالسودان qui a publié cette photo le 24 novembre 2020, est la plus ancienne publication associant l’image checkée. A travers le traducteur Google, la version française de cette page est : « Technologies modernes pour l’agriculture, l’élevage et la pêche au Soudan ».
En conclusion, la publication sur le champ d’oignons n’expose pas les richesses de la région de l’Extrême-Nord. La technique d’irrigation goûte à goûte utilisée et visible sur la photo, n’est pas encore pratiquée dans cette partie du pays
. Ce champ d’oignon n’existe donc pas au Cameroun.Jérôme Baïmélé
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