Au cours de l’émission l’Arène du 09 novembre 2025 sur Canal 2 international, l’homme politique camerounais Célestin Djamen a déclaré qu’au niveau du bassin hydraulique, le Cameroun occupe le 2e rang mondial, derrière la RDC. Après vérification auprès des ingénieurs hydrauliques et hydroélectriques, cette information est fausse. Car bien que disposant d’une importante ressource en eau, le pays ne saurait rivaliser les grands bassins mondiaux. 

Invité de l’émission l’Arène sur Canal 2 international le 09 novembre 2025, Célestin Djamen, président de l’Alliance patriotique républicaine (APAR) a déclaré qu’au « niveau du bassin hydraulique, le Cameroun  se situe à la 2e position mondiale derrière la RDC [ République démocratique du Congo, Nlr] ». Cette déclaration intervient environ un mois après l’élection présidentielle qui a eu lieu le 12 octobre 2025 au Cameroun.  En date du 10 décembre 2025, l’émission a enregistré 20000 vues, sur sa chaîne YouTube. Célestin Djamen est un homme politique bien connu de la scène camerounaise. Après un séjour au Social Democratic Front (Sdf) et au Mouvement pour la renaissance du Camerounn (Mrc), le président de l’APAR a rejoint le G20, une coalition  de partis politiques qui soutiennent le président de la République Paul Biya. 

L’Arène est un programme dominical diffusé sur  Canal 2 International. C’est une sorte d’interview avec deux journalistes invités. L’un des temps forts de cette émission de grande écoute est le débat avec une personnalité réputée opposé avec l’invité sur plan idéologique.

DataCheck a contacté Célestin Djamen pour savoir si cette information est correcte et avoir la source. “« Je n’aime pas le fact-checking. Je crois que cette noble activité sied mieux aux journalistes. Je ne me soumets jamais à ça », a-t-il répondu à DataCheck. Toutes nos relances sont restées sans suite jusqu’au moment de la publication de cet article. Nous avons donc procédé par une recherche par mots clés qui nous a permis de trouver un document du ministère de l’Eau de l’Energie (Minee) sur la politique nationale de l’eau au Cameroun . A sa 25e page, le document indique que « du point de vue hydrologique (cf. figure 1), le territoire du Cameroun est à cheval sur cinq bassins hydrographiques que sont : (i) le bassin du Lac Tchad ; (ii) le bassin du Niger ; (iii) le bassin de la Sanaga ; (iv) le bassin des fleuves côtiers ; et (v) le bassin du Congo ». Le Plan d’action national de gestion intégrée des ressources en eau (pangire) du même ministère datant de 2009 précise à sa page 18 que  les ressources en eau de ces cinq bassins « sont estimées à 265,88 km3 et se répartissent dans les bassins ainsi qu‟il suit :  bassin du Lac Tchad : 12,23 % ; bassin du Niger : 16,51 % ; bassin de la Sanaga : 23,01 ; bassin du Congo : 12,58 % ; bassin des fleuves côtiers : 35,66 % ».

 

Présentation des 5 bassins hydrographiques du Cameroun, tiré de la 25e page du document « politique nationale de l’eau au    Cameroun » 

D’après Marc Ghislain Mbala Etoa expert en énergie hydraulique, le terme approprié c’est bassin hydrographique ou un bassin versant. Il le définit comme « une surface ou toutes les eaux (en général la pluie) convergeant vers un même point d’écoulement appelé exutoire (qui peut être un cours d’eau, un lac ». A cet effet, tous les pays n’ont pas forcément un bassin hydrographique convergeant vers un océan. La raison, d’après Yves Ndzié ingénieur de génie civil spécialisé en aménagement hydroélectrique « est que chaque pays a ses caractéristiques géographiques qui déterminent la présence ou non d’un bassin hydraulique. C’est le cas des pays côtiers dont la plupart ont un ou plusieurs bassins hydrauliques, par contre, certains pays sans accès à la mer ou encore les pays désertiques ou encore les petits pays à géographie défavorable n’ont pas de bassin hydraulique. Mais les pays comme le Tchad ont un bassin hydraulique malgré leur enclavement sur la mer, ceci s’explique avec la proximité du Cameroun ». Marc Ghislain Mbala Etoa ajoute qu’un « pays peut disposer de son propre bassin hydraulique, comme le cas du bassin de la Sanaga  qui se retrouve entièrement dans le territoire camerounais. Un pays peut aussi se situer dans un bassin international, comme le cas du bassin du Congo et le bassin du Niger qui se situe dans plusieurs pays dont le Cameroun ».

A la question de savoir si le Cameroun est 2e mondial en matière de bassin hydraulique, Aurel Arsène Mvondo ingénieur hydraulique est formel: « non, ce n’est pas exact. Le Cameroun est bien doté en ressources hydriques, mais il n’est pas 2e mondial. Le Cameroun est l’un des pays les mieux dotés en eau en Afrique centrale, mais il n’est pas classé dans le top 5 mondial ». Marc Ghislain Mbala Etoa lui également va répondre par la négative, affirmant que concernant le potentiel hydroélectrique du Cameroun, il est estimé à environ 23 GW (Giga Watt), tandis que celui de la République démocratique du Congo est estimé à « plus de 100GW, c’est-à-dire, les ¾ sont concentrés sur le fleuve Congo. Vu cette capacité, le Cameroun dispose du 2eme potentiel en Afrique derrière la RDC ». Yves Ndzié réfute aussi cette déclaration et soutient que, « le Cameroun dispose d’un réseau de plusieurs bassins hydrauliques, mais il n’est pas le 2e au monde derrière la RDC ».

D’après ces spécialistes, disposer d’un bassin hydrographique est avantageux pour un pays. Car, il favorise la prévention des inondations, la protection de l’environnement et l’optimisation de l’utilisation des ressources en eau, comme le relève Marc Ghislain Mbala Etoa. En outre, il favorise la production d’énergie hydroélectrique, ponctue Yves Ndzié. « Il permet le développement agricole par l’irrigation ; facilite la pêche, la navigation ; la prévention des inondations. C’est aussi une base de développement économique et social », énumère Aurel Arsène Mvondo.

Sur ce plan, le Cameroun est plutôt bien lotit. Car il est traversé par quatre bassins hydrographiques selon certains experts et par cinq, selon d’autres. Selon Yves Ndzié par exemple, il y en a quatre. Il s’agit notamment du bassin de l’atlantique, avec comme sous-bassins, le sous-bassin de la Sanaga (fleuve Sanaga + les affluents Lom, Mbam, Djerem) ; le sous-bassin du Wouri (fleuve Wouri + les affluents Moungo, Dibongo) ; le sous-bassin du Nyong (fleuve Nyong) ; le sous-bassin du Ntem (fleuve Ntem). Le bassin du Congo constitué des sous-bassins du Dja (fleuve Dja) ; le sous-bassin de la Sangha (fleuve Sangha). Le bassin de la Benoue regroupe le sous-bassin de la Bénoué (fleuve Bénoué) ; le sous-bassin du Mayo-Kebbi (cours d’eau Mayo-Kebbi). Le bassin quant à lui se compose du lac Tchad avec le sous-bassin du Logone (fleuve Logone) ; le sous-bassin du Chari (cours d’eau Chari).

Et les plus grands bassins hydrographiques dans le monde sont : « le bassin de l’Amazonie (Amérique du Sud) ; le bassin du fleuve Congo (principalement en RDC) ; le bassin du Nil (Afrique du Nord-Est) ; le bassin du Mississippi (États-Unis) ; Yangtsé (Chine) », à en croire Aurel Arsène Mvondo. 

En conclusion, l’information selon laquelle au niveau du bassin hydraulique, le Cameroun se situe au deuxième rang mondial derrière la RDC est fausse. Le Cameroun est traversé par plusieurs bassins et regorgeant, par conséquent, une ressource en eau importante. Cependant, il existe dans le monde, des bassins encore plus importants que ceux qui traversent le Cameroun. 

Lorine Claudia AGNANG

Cet article a été produit dans le cadre du projet Partenariat pour l’intégrité de l’information.