Une capture d’écran de l’interview de Valery Ndongo avec comme invité Maurice Kamto.

Lors d’une interview réalisée par Valery Ndongo, un comédien camerounais, Maurice Kamto, candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2018 a indiqué qu’en 1980, le Cameroun était un pays à revenu intermédiaire de tranche supérieure. Après vérification via des données de la Banque mondiale et un économiste, il n’y a pas de preuve que le Cameroun était en 1980, un pays à revenu intermédiaire de tranche supérieure. La classification des revenus par groupes, notamment sur les pays à faible et à revenu intermédiaire ont été intégré en 1978 et c’est à partir de 1983 que le groupe des pays à revenu intermédiaire a été divisé en deux, notamment la tranche inférieure et la supérieure.

Maurice Kamto, président national du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), par ailleurs candidat malheureux de la présidentielle de 2018 au Cameroun, a déclaré dans une émission en ligne : « En 1980, nous étions un pays à revenu intermédiaire de tranche supérieure, c’est-à-dire avec la Corée du Sud. Ce sont des pays qui en une génération, devaient être des pays développés, industrialisés. Vous voyez bien que nous avons régressé ».

Cette interview réalisée par Valéry Ndongo, un humoriste et comédien de renom camerounais, a été publiée sur sa page YouTube le 11 février 2025, soit la journée correspondant à la 59ᵉ  édition de la fête de la jeunesse au Cameroun. Cette vidéo a généré au 27 mars 2025, plus de 460 000 vues.

Vérification

DataCheck a adressé un protocole d’interview au secrétariat général n°2 du MRC, qui nous a renvoyé des réponses, indiquant qu’il s’agit des propos de Maurice Kamto« Oui, il maintient ses propos (…) il suffit de lire les publications de la banque mondiale à ce sujet », écrit Roger Justin Noah. Après des recherches sur le moteur Google, nous retrouvons plusieurs articles sur les revenus intermédiaires et la classification des pays. Parmi ces articles, figure celui de la Banque Mondiale intitulé : « Le Cameroun peut-il atteindre l’émergence à l’horizon 2035  ? ».

Publié le 6 avril 2017, Souleymane Coulibaly, l’auteur de l’article qui est par ailleurs Chef de programme et économiste en chef pour l’Afrique centrale à la Banque Mondiale, révèle qu’« au début des années 1980, après une décennie de forte croissance, le Cameroun était comparé aux économies d’Asie de l’Est. Cette célébrité s’est brusquement arrêtée à la fin des années 1980, lorsque le pays s’est enfoncé dans l’une des périodes de récessions les plus profondes et les plus prolongées de l’histoire. La dette auparavant maîtrisée a explosé, les banques se sont écroulées et la pauvreté a augmenté ».

D’après la carte sur la classification du groupe de la Banque mondiale par niveau de revenu contenue dans la  Nouvelle classification des pays en fonction de leur revenu pour l’ex. 2024 (1er juillet 2023-30 juin 2024) que nous avons analysé, le Cameroun était classé, de 1987 à 1993, pays à revenu intermédiaire inférieur. De 1994 à 2004, il était un pays à revenu faible et depuis lors, il est redevenu pays à revenu intermédiaire inférieur.

Capture d’écran de l’image sur la classification des pays en fonction de leur revenu, accent mis sur le Cameroun

Pour pousser la vérification, DataCheck a contacté la Banque Mondiale via sa cellule de communication. En réponse aux questions sur la classification économique du Cameroun en 1980, Odilia Hebga, External Affairs Officer, Cameroun, Gabon et Guinée Equatorial, nous envoie un lien utile en précisant : « Vous y trouverez les réponses aux différentes questions posées. Un lien de téléchargement de l’historique de classification par revenu de tous les pays depuis 1987 est également disponible sur la page mentionnée ci-dessus. » Seulement, l’évolution annuelle va de 1987 à 2023. L’année 1980 n’apparait nulle part dans le document. « Si vous ne trouvez pas les informations avant 1987, elles ne seront pas disponibles malheureusement à notre niveau », renseigne Odilia Hebga qui nous suggère de nous rapprocher des ministères dédiés au Cameroun.

Joint par messagerie Whatsapp, la cellule de communication du ministère de l’Economie, de la planification et de l’aménagement du territoire(Minepat) assure nous revenir sur le sujet. Cependant, DataCheck n’a reçu, jusqu’au jour de la publication de cet article, aucune réponse du Minepat. Nous mettrons l’article à jour lorsque nous recevrons une réponse du Minepat.

 

Intitulé « le monde par revenu », cet article contenu dans la rubrique « Comprendre la pauvreté » contient des informations similaires à celles sur la « Nouvelle classification des pays en fonction de leur revenu pour l’ex. 2024 (1ᵉʳ juillet 2023-30 juin 2024) ». À la seule différence que l’année s’étend jusqu’en 2024 en non en 2023 comme l’autre.

Classification économique

 ResearchGate, un réseau professionnel des scientifiques et des chercheurs, indique dans une publication intitulée « Evolution économique rétrospective et perspectives macroéconomiques à l’horizon de 1995 », que le PIB réel par tête a facilement augmenté entre 1977-1985. « Plaçant le pays dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire de la classification de la Banque Mondiale », lit DataCheck.

Joint au téléphone puis par messagerie Whatsapp, Parfait Eppoh, économiste, révèle que « l’évolution de la classification économique du Cameroun repose sur les critères définis par des organisations internationales comme les Nations Unies (ONU), la Banque mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI). »

Selon lui, le Cameroun était une économie à revenu intermédiaire de la tranche inférieure avant les années 1980. Mais après son indépendance en 1960, soit dans les années 1970, il a été classé parmi les économies à faible revenu. Quoiqu’il «se distinguait par une économie relativement diversifiée par rapport à d’autres pays africains. La Banque mondiale a classé le Cameroun comme un pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (RITI) dès cette période », relate Parfait Eppoh.

Toutefois, poursuit l’économiste, le début des années 1980 a été marqué par une forte croissance économique, portée par les exportations pétrolières, faisant du Cameroun l’une des économies les plus solides d’Afrique centrale. « Cependant, entre 1986 et 1994, le pays a traversé une grave crise économique due à plusieurs facteurs (à savoir) la chute des prix du pétrole, la mauvaise gestion et la corruption, la dévaluation du franc CFA (1994), les programmes d’ajustement structurel imposés par le FMI et la Banque mondiale(…) Malgré la crise, le Cameroun est resté classé parmi les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, mais avec une nette dégradation des conditions de vie », soutient Parfait Eppoh.

Neil Fantom et Umar Serajuddin, tous deux responsables du groupe de données sur le développement à la Banque mondiale, ont écrit un article de blog sur la « Classification des pays en fonction du revenu : un nouveau document de travail ». D’après cet article  du 12 janvier 2016, le premier rapport sur le développement dans le monde qui date de 1978, a intégré des groupes de pays à faible revenu et à  revenu intermédiaire dans la classification du revenu. Ceux-ci qui correspondaient aux pays non industrialisés, c’est-à-dire qui, soit ne produisaient pas d’excédents de pétrole, soit n’étaient pas planifiés au niveau central et qui avaient en 1976, un revenu par habitant inférieur et supérieur à 250 dollars, soit plus de 150 000 F Cfa, en date du 6 mars 2025, selon le convertisseur Oanda.

En effet, « le rapport sur le développement dans le monde de 1983 (que), le groupe des pays à revenu intermédiaire a été divisé en deux groupes, « inférieur » et « supérieur », autour d’un seuil de 1 670 dollars, et en 1989, un seuil de « revenu élevé » de 6 000 dollars a été introduit » renseigne l’article. La suite de la lecture révèle que « ce système est resté en place depuis lors, les seuils étant ajustés chaque année en fonction de l’inflation 

Dans le rapport sur le développement dans le monde de 1983, le groupe des pays à revenu intermédiaire a été divisé en deux groupes, « inférieur » et « supérieur », autour d’un seuil de 1 670 dollars et en 1989, un seuil de « revenu élevé » de 6 000 dollars a été introduit. Ce système est resté en place depuis lors, les seuils étant ajustés chaque année en fonction de l’inflation.

En conclusion, rien ne prouve que le Cameroun a été en 1980, un pays à revenu intermédiaire de tranche supérieure.

Michèle EBONGUE