Recettes anti-Covid made in Cameroun : leur efficacité n’est pas avérée
De nombreux articles et publications circulent sur les réseaux sociaux vantant les bienfaits de décoctions supposées prévenir ou guérir de la Covid-19. Le ministère de la Santé a homologué 5 médicaments . Mais jusqu’à présent, aucune preuve scientifique n’a permis de démontrer leur efficacité.
Le 9 juin 2020, 237online.com, un agrégateur de contenu, reprend l’article du quotidien privé Le Messager qui vante les décoctions anti-Covid-19, mis au point par Mgr Kleda, l’archevêque métropolitain de Douala au Cameroun. « Elixir-Covid et Adsak-Covid sont les noms des deux produits mis au point par le prélat pour traiter le Covid-19 . Ils ont été présentés vendredi 5 juin dernier au cours d’un point de presse à Douala […] Ce n’est pas tôt pour le grand public qui piaffait d’impatience de découvrir ces produits miracles anti-covid-19 (sic) », lit-on dans l’article.
Recettes anti-Covid made Cameroun les réseaux sociaux vantant les bienfaits de décoctions supposées prévenir ou guérir de la Covid-19
Cameroon Tribune, le journal pro-gouvernemental, publiait déjà deux mois avant, un article sur son site internet au sujet de la thérapie qu’offre le prélat. La Voix de l’Amérique (VOA), le service de diffusion internationale par radio et télévision du gouvernement américain, a fait pareil sur son site .
Au total, cinq médicaments de la pharmacopée locale ont été homologués en juillet 2021 par le ministère de la Santé publique pour une durée de trois ans. Il s’agit d’Elixir-Covid et Adsak-Covid de Mgr Kleda, de Corocur poudre du Dr Euloge Yiagnigni, de Soudicov Plus de l’imam Modibo et de Palubek’s de Christine Bekono. On retrouve également des « potions anti-Covid » dans des restaurants du pays, comme ici à l’hôtel Le Lagon à Kribi dans la région du Sud (photo).
Vérification
Ghislain Koloko, le chef cuisinier de l’hôtel Le Lagon déclare avoir conçu cette recette pendant la Covid-19. « Je précise que ma méthode n’est qu’à titre préventif. Cette boisson chaude est conçue à base de plusieurs ingrédients, dont le gingembre, le citron, le thym, des feuilles de laurier, de la citronnelle et du clou de girofle […] Plusieurs patients témoignent avoir été guéris de la grippe après l’avoir pris », témoigne-t-il, sans apporter davantage de preuves.
En raison des similitudes symptomatiques avec la grippe, des tradipraticiens emploient les mêmes méthodes pour soigner la Covid-19. « Lorsque cette pandémie est arrivée, nous l’avons étudiée et avons vu qu’elle a les caractéristiques d’une grippe. Et nous africains, nous sommes habitués aux grippes et savons comment nous comporter face à elles. Donc nous n’avons que répercuter les mêmes potions que les ancêtres, lorsqu’ils traitaient des grippes chroniques », indique Ouba Haoudou Razakou, président national des tradipraticiens de santé. Il ajoute : « Chez nous, en médecine africaine, lorsque vous prenez une plante, ça vous soigne globalement. Donc ça prévient et ça traite. Mais à titre préventif, vous les prenez à faibles doses. »
Le ministère de la Santé a homologué 5 médicaments
D’après le communiqué de presse du 8 juillet 2021 de Manaouda Malachie, ministre de la Santé publique, ces médicaments traditionnels homologués ne sont pas mis à la disposition des populations comme une cure de la Covid-19, mais comme un traitement d’appui en vue de renforcer ou compléter les effets de la médication principale. D’autant plus que le Dr Joseph Fokam, chef du laboratoire de virologie du Centre international de référence Chantal-Biya (CIRCB) et membre de l’unité laboratoire dans le Système de gestion de l’incident Covid-19 relève qu’« il n’y a pas d’évidence scientifiquement documentée qui démontre que les potions anti-Covid-19 ont un impact réel ».
aucune preuve scientifique n’a permis de démontrer leur efficacité
Joint au téléphone, le virologue indique qu’on ne peut pas se baser sur des affirmations des fabricants pour dire avec certitude que des produits sont efficaces, même si plusieurs ont été homologués comme adjuvants. « Il n’existe pas de données probantes des bénéfices de ces potions. De plus, il n’y a pas d’essai clinique qui permettrait d’en évaluer la toxicité », met en garde le Dr Joseph Fokam. D’ailleurs à ce sujet, l’Organisation mondiale de la santé souligne que : « Même lorsque des traitements sont issus de la pratique traditionnelle et de la nature, il est primordial d’établir leur efficacité et leur innocuité grâce à des essais cliniques rigoureux. » Tout en reconnaissant les bienfaits de la médecine traditionnelle et de son rôle dans le continent : « L’Afrique a d’ailleurs une longue histoire de médecine traditionnelle et de tradipraticiens de santé qui jouent un rôle important dans les soins aux populations. »
Michèle EBONGUE, Hemes NKWA, Claude Sandra DEUTOU
Ce travail a été réalisé dans le cadre du programme Désinfox-Afrique
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